Une personne qui pratique ou tend vers l’individuation est celle qui cherche à se connaître, à savoir qui elle est vraiment au fond d’elle-même.
Ce qui la différencie spécifiquement des autres : son identité biologique, ses traits de caractères propres, ses qualités et défauts, ses talents, sa mission de vie…
Qu’ai-je de particulier par rapport aux autres ? Qu’est-ce qui fait que je suis unique biologiquement, psychologiquement, parmi les sept milliard d’habitants qui peuplent la planète ? Quand on sait qui on est vraiment, il devient plus facile ensuite d’avoir confiance en soi, de choisir les bonnes personnes et de connaître son chemin de vie.
Oui, entreprise combien vaste et difficile… car il n’y a pas de méthode miracle pour avoir réponse d’un coup à toutes ces questions ! Mais il existe des pistes concrètes pour s’aider à progresser vers l’individuation, comme le proposent certains outils disponibles sur le blog. J’ai l’honneur d’ailleurs de vous présenter un nouvel outil gratuit qui va dans cette optique : Outils d’introspection pour mieux se connaître, 16 exercices d’introspection.
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DÉFINITION : DIFFÉRENCE ENTRE INDIVIDUATION ET DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
L’individuation, c’est le fait de se connaître, de cheminer vers un Soi complet, unique et authentique.
Ce n’est pas tout à fait pareil que le développement personnel. Dans certains cas, je trouve même qu’individuation et développement personnel ont des sens un peu contraires, même si ils peuvent être évidemment des démarches complémentaires !
Le développement personnel, c’est plus dans une démarche de transformation de soi dans le but de se défaire de certains aspects négatifs (mauvaises habitudes, pathologies, anxiété, déprime) ou d’améliorer ses performances (mieux communiquer, s’affirmer, gérer son temps, avoir une meilleure confiance en soi).
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Alors pour bien comprendre tout cela, je vais donner des exemples très concrets qui parleront à tout le monde :
Situation 1 : Nicolas, 39 ans, est ingénieur en informatique dans une entreprise privée. Il exerce ce poste parce qu’adolescent, il ne savait pas vraiment quoi faire de sa vie et il a répondu avant tout aux injonctions de la société et de ses parents. Puis c’est un métier tranquille qui lui assure une certaine sécurité et un confort financier. Oui, la réussite sociale est importante à ses yeux. Être quelqu’un de sociable, viril, bien dans sa peau, ce sont les idéaux qui portent Nicolas. Il n’aime pas dévoiler ses vulnérabilités et fait tout pour cacher ses défauts. Il veut toujours être bien vu par les autres. Il est inscrit à des cours de théâtre pour améliorer sa prestance, il fait de la musculation pour se construire un corps de rêve. Il se cultive intellectuellement en lisant des bouquins et revues différents chaque semaine, pratique la salsa, participe à des Meetup pour se faire plein de nouveaux amis. Malgré tout, il sent au fond de lui qu’il n’est pas tout à fait heureux et qu’il n’est pas à sa place. Un jour, en fouillant dans son garage, il tombe par hasard sur un vieux carnet de dessin aux paysages somptueux. Il se souvient alors qu’adolescent, il passait son temps à dessiner, à prendre des photos, à collecter de nouvelles idées. Son rêve était de devenir illustrateur ou photographe professionnel, mais ses parents l’avaient forcé à se lancer dans une carrière scientifique.
=> Commentaires : Ici, Nicolas veut correspondre à une certaine image, à un certain idéal, imposé en réalité par les injonctions de la société ou de ses parents. Le développement personnel est pour lui un moyen d’expression pour atteindre ses buts.
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Situation 2 : Nicolas fête ses 40 ans et il reçoit comme cadeau d’anniversaire de sa meilleure amie, Céline, un livre intitulé : « Ces gens qui ont peur d’avoir peur, mieux comprendre l’hypersensibilité » d’Elaine Aron. Céline est une jeune psychologue, fan de l’outil MBTI, et elle lui avait offert déjà l’année précédente le livre best-seller « La force des discrets, le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard » de Susan Cain. Insouciant, Nicolas l’avait à peine feuilleté. Céline soupçonne son ami d’être un introverti qui s’ignore. Car malgré l’image de sociable et d’impassible que celui-ci se donne en public, elle sent bien qu’il est au fond quelqu’un de très solitaire et surtout hypersensible. Nicolas a beau être bavard mais au bout d’un moment, il finit toujours par s’épuiser psychologiquement et se refuge dans de longs silences. Ses potes ne comprennent d’ailleurs pas toujours ses réactions.
Cependant, Nicolas n’aime pas trop les étiquettes psychologiques. Il trouve que c’est super réducteur de catégoriser les gens comme ça et que cela ne veut rien dire du tout au grand dam de son amie Céline. Il est mal à l’aise avec tous ces sujets psychologiques et rétorque qu’il est plutôt extraverti et que la sensibilité est une faiblesse.
=> Commentaires : Dans le langage psychanalytique, on dit que Nicolas fait du déni, il fait tout pour chasser les idées gênantes de son esprit car il veut occulter une réalité qui pourrait froisser son ego. Le déni est répertorié par Freud comme un mécanisme de défense.
Jung aurait dit que Nicolas n’accepte pas sa part d’Ombre (= défauts, fragilité, sensibilité, introversion…) et se focalise uniquement sur sa part de Lumière (= qualités, sociabilité, virilité, image positive…). Nicolas se comporte en public avec sa Persona (= son image sociale idéale, le masque de l’acteur).
Or l’ombre nous constitue tout autant que la lumière et définissent ensemble notre personnalité totale.
Le processus d’individuation est l’accord harmonieux entre l’Ombre et la Lumière, entre toutes nos facettes et conflits intérieurs. Pour Jung, justement, l’important n’est pas d’atteindre la perfection comme aurait souhaité Nicolas, mais juste la complétude.
Autrement dit, être unique, complet, renouer avec son Soi authentique et biologique.
Situation 3 : Nicolas est dans le train, la main posée sur un carnet, à réfléchir sur l’algorithme et la mise au point d’un logiciel que son entreprise lui a demandé de concevoir. Il pousse un soupir de lassitude et contemple le beau paysage par les fenêtres, émerveillé et ému. Il a envie de prendre une photo pour pouvoir le reproduire sur un tableau. Lorsqu’une passagère du train s’arrête soudain devant lui et lui demande : « Monsieur, êtes-vous un artiste ? Vous êtes doué… ». Nicolas, très surpris, répond : « Non, pourquoi cette question ? » La dame lui fait signe du doigt le carnet qu’il a entre les mains, puis elle repart. Nicolas baisse les yeux et se rend compte alors qu’il y avait dessiné de magnifiques silhouettes d’oiseaux avec leurs ailes d’anges au lieu d’écrire ses algorithmes…
Poussé par la curiosité, Nicolas va finalement lire intégralement les deux livres que lui a offert son amie Céline. Même si il n’a pas tout compris et reste gêné par les étiquettes psychologiques, il apprend des choses intéressantes sur l’hypersensibilité et prend notamment conscience qu’il a un profil créatif. Il a le souci du détail, est quelqu’un de très intuitif et visuel. Il se souvient alors qu’enfant, ses professeurs et camarades le félicitaient régulièrement pour ses dessins, ses créations originales. À l’école, c’était un solitaire, il ne parlait pas beaucoup et passait son temps à dessiner dans son coin, ce que lui reprochaient ses parents qui l’incitaient constamment à s’intégrer aux autres et à étudier.
Tous ces souvenirs remontent progressivement en lui et Nicolas comprend que son amie Céline avait raison à propos de sa personnalité introvertie. Le lendemain, Nicolas prend la décision d’arrêter les cours de salsa et de théâtre, et s’inscrit immédiatement à des ateliers de dessin et à des Meetup d’amateurs photographes pour rencontrer d’autres passionnés. Il sait à présent sur quoi il doit véritablement s’améliorer, s’investir, pour être heureux et épanoui. Il comprend qu’il doit plus écouter son cœur et que son but est désormais d’être plus aligné avec sa personnalité profonde, sa légende personnelle…
=> Commentaires : On arrive ici au processus d’individuation. Nicolas prend conscience de qui il est vraiment. La vie se charge de nous envoyer des signes lorsqu’on n’est pas à sa place, lorsque notre comportement n’est pas aligné avec notre nature profonde. Nous n’y faisons pas attention. Nous ne prêtons pas assez d’importance aux détails de notre environnement, aux remarques anodines des autres (son amie Céline, la passagère du train). Nous n’écoutons pas suffisamment notre cœur par peur de l’échec ou du regard des autres (ses parents, les idéaux imposés par la société).
Grâce au processus d’individuation, Nicolas ne va pas résoudre tous ses problèmes d’un coup, mais il sait à présent quel est le meilleur chemin à prendre pour atteindre la véritable plénitude.
INDIVIDUATION = ATTEINDRE LA COMPLÉTUDE… QUI MÈNE À LA PLÉNITUDE
Le développement personnel, sans processus d’individuation, ne sert donc pas à grand chose.
C’est d’ailleurs d’après moi la raison principale de l’échec de beaucoup de gens qui se lancent dans plein d’activités diverses et annexes (théâtre, formations, voyages, Meetup, rencontres…), ils font énormément de choses à la fois, essaient de s’améliorer constamment ou correspondre à un certain idéal, mais on sent que leur situation est quasi similaire chaque année et qu’ils ne sont pas véritablement épanouis intérieurement.
Non pas forcément parce qu’ils s’y prennent mal, mais parce que leurs activités ne sont pas « alignées » avec leur personnalité, leur cœur, leur soi biologique. Il y a un problème de congruence. Du coup, leurs actions successives ne débouchent pas sur ce qu’ils auraient souhaité au fond d’eux et qu’ils ont l’impression de stagner dans leur vie, comme on l’a vu justement avec le cas concret de Nicolas.
L’individuation, c’est une étape incontournable de notre vie, préfigurant le chemin de la maturité.
C’est une tâche subtile et complexe, qui peut s’étaler sur quelques jours ou sur des années en fonction des expériences de vie que l’on rencontre et lesquelles nous font mûrir plus vite. Vous savez à présent ce que signifie l’individuation. Pour les pistes concrètes, je vous invite à consulter certains articles déjà disponibles sur le blog et qui peuvent vraiment aider à progresser vers la voie de l’individuation :
> Se créer une Happy list et trouver les bons objectifs adaptés à ses aspirations authentiques
> Demander un feed-back aux autres pour prendre conscience de soi
> Rencontrer les bonnes personnes pour s’aider à trouver sa voie car tout seul, c’est difficile
> Nouvel outil gratuit : 16 exercices d’introspection très utiles pour apprendre à mieux se connaître !
bon article et j’espère que ta situation personnelle s’est améliorée. peut être que cet article est le fruit d’une réflexion personnelle ?
Coucou Sylvain,
J’ai beaucoup aimé ce dernier article que j’ai trouvé très bien écrit, simple à comprendre et comportant plusieurs exemples concrets. Je me suis reconnue dans certaines choses qui ont fait écho en moi et je pense qu’il parlera à pas mal de personnes. Je te souhaite une très bonne continuation et je t’encourage dans tous tes projets, en espérant qu’ils trouveront une issue favorable. :-)
Merci Sylvain ! Cela me parle énormément. Quel talent pour transmettre des idées (tu es plus fort que Jung à ce niveau d’ailleurs et je suis sûr qu’il serait d’accord ;)). J’aime bcp le concept et j’ai reconnu du Sylvain et du vécu dans tes exemples, jamais pris par hasard.
L’une des grandes questions de ces dernières années quand je me sentais en décalage avec un peu près tout le monde, c’était « c’est quoi mon problème ? Qu’est-ce que je dois faire pour me fondre dans cet environnement/ambiance » ?
Comme si je voulais toujours prendre la responsabilité. Quelle libération de se dire quand c’est possible, et ça l’est plus souvent qu’on l’imagine, : ces gens ou ce milieu ne me convient pas et c’est pas un problème, je passe à autre chose, et de privilégier ce qui m’appellent et me fait me sentir vivant au plus profond. Quelle folie de vouloir se calibrer avec ce qui ne nous convient pas, pire de vouloir plaire et se fondre avec des gens qu’on admire même pas !
Par contre, je trouve la traduction de la citation de Jung pas accrocheuse du tout, et comme souvent une mauvaise communication fait perdre souvent une grande partie du potentiel d’un message. Cela serait mieux qq chose du genre « ce qu’on ne veut pas voir/accepter devant-nous, finit toujours par nous rattraper par derrière ». C’est d’ailleurs l’essence de son message. Notre part d’ombre se manifeste de manière archaïque et donc douloureuse mais nous revient toujours à la figure. La critique peut être étendue à toute l’oeuvre de Jung je trouve. Quel gâchis. Je trouve que c’est presque un « supplice » à lire alors qu’il y a tellement de bonnes choses à garder sur le fond.
Merci encore pour cet article et je vais me faire une joie de me plonger dans les 16 exercices au bord de l’eau en écoutant de la musique au parc près de chez moi ;)
Simon
Merci pour vos messages Marie et Mystic. :-)
C’est un article que je voulais écrire depuis longtemps et le contexte est tout trouvé, et en plus, c’était prévu que je publie ce mois-ci le nouvel outil en ligne « 16 exercices d’introspection » et quoi de mieux qu’un article sur l’individuation pour l’accompagner.
Simon : :-) Et oui, cet article résume assez bien mon approche, ma philosophie, pour tous ceux qui ont reçu mon aide amicale ou mon coaching. On y trouve les grandes lignes. J’imagine qu’il t’a fait sourire. Oui, il y a du personnel, mais aussi tout ce que j’ai pu entendre de mes lecteurs, amis, clients. C’est vraiment inspiré de tous mes échanges. J’imagine que tu t’es aussi reconnu. :-p
Marrant, on a encore le même ressenti. Je partage le même avis que toi sur la citation de Jung (j’avais hésité d’ailleurs longtemps à la mettre pour les mêmes raisons que toi). Je la trouve super mal traduite et ça m’irritait. Puis j’ai fini par la mettre car je l’adore malgré tout et je pense que ça fera écho à ceux qui sauront lire entre les lignes.
Je te rejoins encore totalement sur ce que tu dis sur Jung. C’est tellement abstrait, confus, compliqué, tortueux, tout ce qu’on peut lire sur Jung. Toi qui es quelqu’un de rationnel, je comprends ton sentiment de supplice pour parcourir les oeuvres de Jung.
Ce n’est pas un hasard si j’ai mis autant d’années à écrire mon premier article sur Jung alors que ceux qui me connaissent, savent que c’est mon auteur préféré et que je leur en parle sans arrêt. :) Oui, l’oeuvre de Jung peut dérouter par sa complexité, ses métaphores, mais en même temps, si l’on se donne la peine de connaître plus, il y a de jolis trésors.
J’avais hésité à écrire l’article car je m’étais dit que ça serait super casse gueule de partir à vouloir expliquer les notions très abstraites de Jung sur individuation, ombre, persona, archétypes, synchronicité, complétude, etc… Surtout que c’est souvent incompréhensible pour les non-initiés. Je ne voyais pas l’intérêt puisqu’il existe déjà des tas d’articles dessus. J’ai pris mon petit risque en allant à contre-pied de ce qui existe déjà sur le Web, en partant de choses plus personnelles et d’exemples concrets pour faire mieux ressortir les concepts jungiens. Je m’étais dit que c’était la meilleure solution, que ça aurait plus d’impact.
Bon en tout cas, je vois que mon article déclenche pas mal de réactions sur les réseaux sociaux et est déjà très partagé après quelques journées seulement. Waooh, je ne m’y attendais pas du tout. Je vois une grosse augmentation de visites sur mon blog ces derniers jours. C’est assez impressionnant. Est-ce un signe que je dois continuer à croire en mon rêve de devenir écrivain ? En tout cas, cet article m’aura apporté plus de réponses que d’interrogations.
Salut Sylvain, comme Simon, je salue ta capacité de vulgarisation.
Article clair et très intéressant, il faudra que je me plonge dans Jung un jour.