En réalité, la dyslexie ne s’agit pas juste d’un problème « de lecture » ou « d’orthographe » comme on l’entend souvent, mais elle renvoie à une difficulté de conscience phonologique, que nous allons tenter de comprendre de manière progressive à la manière d’une enquête.
Les informations écrites ci-dessous sont en partie tirées de mes recherches et exposés lors de mes études universitaires. Des modifications, des ajouts ont été effectués pour rendre la lecture plus compréhensible au lecteur du blog.
1) Définition de la dyslexie
Lorsqu’on commence par consulter le dictionnaire Nouveau Petit Robert sur la définition de la dyslexie, voici ce qui est consigné : « trouble de la capacité de lire, ou difficulté à reconnaître et à reproduire le langage écrit. »
Toutefois, la définition semble varier d’un dictionnaire à un autre ; prenons le cas du dictionnaire Le Petit Larousse : « Difficulté d’apprentissage plus ou moins importante de la lecture, sans déficit sensoriel ni intellectuel. »
Si l’on cherche une définition conventionnelle et médicale dans les classifications internationales des pathologies, l’on ne trouve pas le terme de dyslexie. La nosographie du DSM-IV utilise les mots : « troubles des apprentissages. » Quant à la classification CIM-10 de l’Organisation Mondiale de la Santé, elle parle de « troubles spécifiques du développement et des acquisitions scolaires. »
Une orthophoniste que j’avais rencontrée pour mon enquête m’avait répondu :
« dys veut dire dysfonctionnement, la lexie veut dire mot. C’est des inversions, des confusions, des omissions, des difficultés à placer les lettres les unes par rapport aux autres dans le mot, ou carrément le mot dans la phrase. Par exemple, ‘ papier ‘ est lu ‘ popé ‘ ou ‘ hippopotame ‘ est lu ‘ hippopapome ‘. »
Les orthophonistes s’accordent sur ces trois conditions avant de parler de soupçon de dyslexie sur un enfant :
Impossibilité de parler de dyslexie avant l’apprentissage de la lecture : le diagnostic de la dyslexie ne peut s’établir que si l’enfant a commencé à fréquenter le milieu scolaire et à apprendre à lire.
Difficulté durable : l’enfant éprouve une difficulté persistante dans la progression de l’acquisition de la lecture, multiplie les inversions et les confusions de lettres, malgré un effort pédagogique continu.
Quotient intellectuel normal : l’enfant est normalement intelligent malgré les difficultés rencontrées, ne rencontrant ni un trouble de la vue, ni de l’audition.
C’est ce qu’on appelle dans le jargon médical un diagnostic négatif lequel est destiné à éliminer au préalable les autres causes possibles, car il faut évidemment distinguer un « vrai dyslexique » du « mauvais lecteur » dont les difficultés scolaires peuvent s’expliquer par le bilinguisme ou par des facteurs socioculturels.
2) Les symptômes de la dyslexie
Les traits et caractéristiques que l’on cite le plus souvent à propos des personnes dyslexiques sont : lenteur dans l’exécution des tâches, déficit d’attention, dysorthographie, difficulté d’orientation spatiale, imagination débordante, problèmes de lecture lié à la confusion des sons ou signes graphiques qui se ressemblent, etc…
Ce « portrait », comme l’ensemble des définitions dans les dictionnaires, demeurant très abstraits et subjectifs, cherchons à présent à comprendre de manière précise les symptômes de la dyslexie.
Les orthophonistes reconnaissent en général l’existence de trois types de dyslexie :
Dyslexie de type phonologique : cette forme de dyslexie est la plus fréquente et se traduit par de grandes difficultés dans les conversions grapho-phonémiques, c’est-à-dire que l’enfant a du mal à connaître les sons qui correspondent aux unités de mots. Sa compréhension du texte repose sur une approximation visuelle, et sa lecture, très hésitante et segmentée, bloque sur les mots nouveaux.
Dyslexie de type lexical : appelée aussi dyslexie de surface, elle se manifeste dans la lecture par un déchiffrage grapho-phonémique systématique, autrement dit, le lecteur a tendance à tout lire phonétiquement. La lecture est particulièrement coûteuse, l’attention est entièrement consacrée au décodage.
Dyslexie de type mixte : le trouble est ici à la fois de type phonologique et lexical.
Un orthophoniste interrogé à ce sujet m’avait répondu :
« Dans une dyslexie phonologique, l’enfant va avoir du mal à différencier les sons proches comme le ‘ p‘ et le ‘ b ‘, le ‘ g ‘ et le ‘ c’, le ‘ ch ‘ et le ‘ j’. Le mot écrit ne se prononce pas comme celui qui lui a été dicté : ‘ insecte‘ sera écrit ‘ insiste’, ‘ garçon ‘ sera écrit ‘ carson ‘. Et dans une dyslexie lexicale, l’enfant va plutôt confondre toutes les lettres qui se ressemblent comme le ‘ b ‘ et le ‘ d ’, le ‘ q ‘ et le ‘ p ‘, le ’ m ’ et le ‘ n ’ ; ou bien le mot écrit est prononcé comme le mot dicté, par exemple, ‘ femme ’ sera écrit ‘ fame ’. »
Notions linguistiques
Ce petit rappel n’a pas la prétention d’être un cours d’introduction à la linguistique générale à la manière de Saussure, mais il propose un lexique simplifié, lequel peut nous être utile pour comprendre les mécanismes de la dyslexie.
– Le morphème est l’unité minimale linguistique dotée d’une forme et d’un sens.
Exemple : le mot « orthophoniste » est composé de trois morphèmes « ortho », « phono » et « iste ».
– Le phonème est la plus petite unité linguistique sonore.
Exemple : le phonème f peut correspondre à la lettre f, à la double lettre ff ou à ph.
– Le graphème est l’unité minimale graphique.
Exemple : les graphèmes o, au, eau, ô, hau traduisent le phonème o.
– La phonologie est l’étude de la fonction des sons dans le système linguistique.
L’apprentissage de la lecture est une activité mettant en œuvre un ensemble permanent d’opérations mentales de décodage. L’enfant va chercher à mettre en correspondance ce qu’il voit et ce qu’il entend. La conscience phonologique est donc ce qui permet d’identifier les différents sons qui composent un mot. Or la lecture passe d’abord par un apprentissage des correspondances entre phonèmes et graphèmes.
Les personnes dyslexiques sont confrontées à un déficit de conscience phonologique. Les erreurs commises se trouvent soit dans l’enchaînement des graphies, soit dans la transcription graphique des phonèmes. Voilà la définition réelle de la dyslexie.
3) Les causes de la dyslexie
Un premier constat s’impose d’emblée : la recherche des causes de la dyslexie donne lieu à une surabondance de théories explicatives lesquelles sont tantôt complémentaires, tantôt antagoniques. Je ne les aborderai pas en détails sur le site, ni les querelles des chapelles, car le travail serait excessivement volumineux et hors-sujet par rapport à la thématique principale du blog, le but ici étant de présenter quelques éléments de réponse afin de se faire une idée générale.
causes neurologiques : la dyslexie serait causée par des atteintes organiques (lésions cérébrales).
causes cognitives : elle serait due à une déficience dans le traitement de l’information verbale au profit d’un traitement de l’information par images.
causes psychologiques : l’explication psychanalytique voit les causes des troubles d’apprentissage dans la structuration psychique et dans les images d’identification parentales, la dyslexie étant le symptôme de troubles affectifs.
causes linguistiques : en fonction de la nature du signe linguistique, les langues irrégulières (comme l’anglais et le français) augmenteraient les troubles dyslexiques.
causes pédagogiques : certaines méthodes d’apprentissage de la lecture (les méthodes globale et semi-globale) pourraient favoriser l’apparition de la dyslexie.
L’orthophoniste interrogé me révèle ce constat :
« En général, même si ce n’est pas systématique, dans nos consultations, il arrive très fréquemment qu’un enfant dyslexique possède dans sa famille l’un de ses deux parents qui est dyslexique. Il arrive même qu’un parent découvre sa dyslexie suite au diagnostic de son fils et se rende compte qu’il a lui-même souffert pendant son enfance des mêmes difficultés. De ce fait, quand on doit diagnostiquer une dyslexie, on interroge toujours les parents sur ce sujet. »
On l’aura bien compris : la thèse neuro-génétique fait office de paradigme dans les discours des médecins et orthophonistes. Comme en témoigne les extraits du dernier rapport de l’INSERM en 2007 sur la dyslexie :
L’hypothèse de la nature familiale de la dyslexie est évoquée depuis longtemps et un faisceau de présomptions rassemblées depuis une vingtaine d’années fait en effet penser que la dyslexie possède une origine génétique. Le meilleur indice d’une composante familiale est l’augmentation du risque chez les apparentés d’un sujet atteint. Toutes ces données permettent d’établir qu’il y a bien une contribution génétique aux troubles spécifiques des apprentissages.
Voilà, en espérant que mon article aura contribué à vous éclairer davantage sur la notion de dyslexie, je dois avouer personnellement qu’il m’a fallu plusieurs années pour réellement appréhender ce sujet, un trouble neurologique complexe, aux contours plus flous et subtils encore que la précocité intellectuelle ou l’anxiété sociale. Je citerai, pour conclure, la lecture très utile de deux auteurs avec lesquels je partage la même analyse : le livre de Ronald Dell Davis (Le don de dyslexie, Méridienne, 1995) qui apporte un nouvel éclairage sur la question avec son concept de désorientation et de pensée en images, puis le livre de Cornelia Jantzsen (La dyslexie : Handicap ou talent ?, Triades, 2004) reprenant les thèses originales du précédent auteur et liant dyslexie et facultés d’imagination.
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